« Chants of Sennaar », le jeu où l’on finit par donner sa langue au chat


Chants of Sennaar est un jeu bourré d’énigmes dont la première est l’origine, mystérieuse, de son titre. Sennaar n’est en effet pas un nom imaginaire mais, nous l’apprend une rapide recherche en ligne, celui donné par les anciens grecs à la région où aurait été construite la mythique tour de Babel.

Ce passage de l’Ancien Testament sert justement d’inspiration au nouveau jeu du studio toulousain Rundisc, disponible le 5 septembre sur consoles et PC. Ici, c’est l’orgueilleuse population d’une tour dont le sommet tutoie les nuages qui se divise en factions le jour où ses représentants cessent de parler la même langue. Chacun de ces peuples vit replié sur lui-même et a développé une caractéristique propre : la science, la religion, la guerre, etc.

Le mythe sert de point de départ à un concept atypique : un jeu vidéo où notre avatar est incapable de comprendre ses interlocuteurs qui s’expriment, comme dans une bande dessinée, par des bulles remplies de caractères inconnus. Il incombe au héros, lui-même mutique, de les déchiffrer : son destin est de devenir le trait d’union entre les différents peuples.

Champollion en herbe

Les premiers mots tombent sous le sens grâce au contexte : « salut », « moi » ou « toi ». Les suivants demandent de récolter une série d’indices, de faire preuve de déduction ou de réaliser des exercices de comparaison entre deux langues, à la manière de Champollion. Pour valider nos hypothèses, une astuce de mise en scène : il faut les noter dans le carnet du protagoniste.

En outre, notre enquête linguistique est ponctuée d’énigmes plus classiques, à base de portes à déverrouiller, de codes à retrouver ou d’objets à apporter à certains personnages. Les amateurs d’escape games ou de jeux vidéo dans lesquels il faut pointer et cliquer sur des éléments du décor pour avancer s’y sentiront comme chez eux.

Un coup de chance nous a permis de passer ce puzzle en omettant les étapes précédentes. Notre impatience nous a pénalisé quelques heures plus tard.

Les débutants risquent la surcharge cognitive, et devront faire preuve de rigueur et de patience pour arriver au terme de leur mission. Au bout d’une dizaine d’heures de méli-mélo linguistique, il faut en effet, pour réunir les peuples de la tour, être capable de jongler entre les différentes langues et s’être familiarisé avec leurs grammaires propres. Ainsi est Chants of Sennaar : un jeu labyrinthe, une aventure jusqu’au-boutiste dans lequel nous passons très vite de l’émerveillement à la frustration.

Un univers de bande dessinée

Jouer dans de bonnes conditions est déterminant. On confesse – sans doute à force de jouer en nomade et dans des trains –, un manque de concentration qui s’est avéré pénalisant devant plusieurs énigmes. Sans compter la fatigue oculaire provoquée par le petit écran.

Mais la beauté graphique et musicale du projet est sans conteste ce qui pousse à continuer l’exploration, même quand une porte refuse obstinément de s’ouvrir du fait d’un indice loupé, d’un dialogue manqué ou d’un escalier tout simplement pas vu.

Chaque peuple a non seulement son langage mais aussi son uniforme et son univers. Ici, le monde des guerriers, qui évoque un donjon médiéval.

Le mythe de la tour de Babel est ici revisité de manière moderne en faisant référence à la BD franco-belge. Chants of Sennaar évoque ainsi Arzach (1976), chef-d’œuvre sans parole et existentialiste de Mœbius. Les décors dans lesquels nous passons tant de temps à errer évoquent quant à eux la science-fiction psychédélique de Philippe Druillet ou les fantasmagories urbaines de François Schuiten. Parfaitement digérées, ces influences viennent donner vie à un monde mystérieux et fascinant. Avare d’explications sur sa trame narrative, l’édifice vidéoludique n’en est pas moins riche de sens.

L’avis de Pixels

On a aimé :

  • déchiffrer des langues imaginaires aux caractéristiques très différentes ;
  • résoudre des casse-tête avec du papier et un crayon à la main ;
  • un projet jusqu’au-boutiste, dans lequel nous ne sommes pas pris par la main ;
  • se perdre dans des cités somptueuses.

On a moins aimé :

  • on s’est laissé perturber par la prise en main du jeu en version portable sur Switch ;
  • devoir prendre un cachet d’aspirine après une session un peu trop longue.

C’est plutôt pour vous si :

  • vous aimez les labyrinthes ;
  • vous aimez les escape games ;
  • vous aimez les jeux en point and click qui ne font pas de cadeaux.

Ce n’est plutôt pas pour vous si :

  • vous cherchez un jeu vidéo sans prise de tête pour vous déstresser ;
  • vous n’avez pas beaucoup de patience ;
  • vous ne jouez pas dans un environnement calme, propice à la réflexion.

La note de Pixels :

Deux écritures sur les trois présentes sur la pierre de Rosette.



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